BASQUIAT

TOUT L'OEUVRE de Jean-Michel BASQUIAT

dimanche 3 décembre 2023

  BASQUIAT & SON PÈRE



Les rapports de Basquiat avec sa famille semblent avoir toujours été conflictuels. Il raconte à ses petites amies et à ses galeristes que son père le battait quand il était enfant (Gérard Basquiat le nie, disant n’avoir jamais fait que fesser son fils avec une ceinture). “Ma mère est devenue folle parce qu’elle était malheureuse avec mon père”, confie-t-il à un journaliste. 

Il se faisait aussi passer pour un enfant des rues. “La première fois que j’ai rencontré son père, avec son costume trois pièces et sa raquette de tennis, je suis resté sous le choc, dit Gallo. Jean s’était forgé une identité de gamin issu du ghetto et qui n’aspirait qu’aux attributs de la bourgeoisie.”

Basquiat raconte même que son père lui a donné un coup de couteau. “Il avait une petite cicatrice sur les fesses”, dit un ami. “J’étais un père strict, mais pas sévère, se défend Gérard Basquiat. Je viens d’une famille aisée d’Haïti, d’un milieu où j’ai reçu une solide éducation fondée sur la discipline. C’est comme ça que j’ai élevé mon fils. Ecrivez ce que vous voulez sur Jean-Michel qui était soi-disant un enfant battu. Je sais que c’est faux.” On peut comprendre la colère de Gérard Basquiat. “En tant que père seul avec ses enfants, je subissais une énorme pression. Mais je n’ai aucun regret. La toxicomanie de Jean-Michel est pour moi une grande source de culpabilité. Je n’étais pas au courant. Si tel avait été le cas, je l’aurais envoyé en cure.”

“Est-ce qu’on a été battus quand on était petits ?, s’étonne Lisane, la soeur de Basquiat. Non. Si mon père était violent avec nous ? Absolument pas. On a pris des raclées comme tous les gamins. Je ne veux pas gâcher votre article, mais tout ça n’est qu’un tissu de mensonges.” Jean-Michel vit une relation d’amour-haine avec son père, faisant parfois tout pour lui plaire, à d’autres moments semblant le provoquer délibérément.

Jean-Michel fait presque exprès de mal gérer son argent (alors que Gérard, comptable, lui a plusieurs fois proposé son aide). Les slogans SAMO© ridiculisent les valeurs chéries par son père. “Cette ville grouille de faux-culs de la classe moyenne qui essaient de se faire passer pour riches ; ils ne s’intéressent qu’aux apparences. Ça me rend dingue. Dès son plus jeune âge, son objectif avoué était de devenir célèbre, et il s’y attelle de manière calculée, bien qu’erratique. “Jean-Michel a écrit son propre scénario, dit Mary-Ann Monforton, qui l’a connu quand il avait 16 ans. Il avait une mission à accomplir. Il voulait à tout prix devenir quelqu’un.”



Le lendemain de son premier vernissage, Basquiat fait un retour triomphal à Brooklyn en limousine. “Il devait être 6 h 30 et j’étais en train de m’habiller, dit Gérard Basquiat, qui n’avait eu son fils que deux fois au téléphone depuis qu’il avait quitté la maison. Jean-Michel portait un costume rayé. Il est entré dans la cuisine et m’a dit : ‘Papa, ça y est, j’ai réussi.’ Et il a donné une liasse de billets à sa petite soeur Jeanine.” Gérard a assisté au vernissage de l’exposition suivante : “Quand je suis entré, j’en ai eu des
frissons. C’était l’un des plus grands moments de ma vie, voir du Basquiat sur les murs, ma chair et mon sang.”

A partir de là, Gérard Basquiat fait partie de la vie artistique de son fils par intermittence. Il vient aux vernissages et dans les clubs, et invite même Andy Warhol à dîner chez lui. 


Jean-Michel a sans doute été un enfant indiscipliné. Mais quand on pense à sa personnalité, à ses terribles sautes d’humeur, à sa paranoïa, ce n’était pas dû qu’à un problème de drogue. Il était obsédé par son père.




 


LES DERNIERS JOURS DE BASQUIAT



Le vendredi 12 août était une nouvelle journée de canicule. Kelly Inman s’inquiétait. Cette jeune femme de 22 ans qui vivait au rez-de-chaussée de l’immeuble de deux étages qu’Andy Warhol louait à Jean-Michel Basquiat au 57 Great Jones Street savait que le peintre avait l’habitude de dormir toute la journée. Vers 14 h 30, quand elle monta voir s’il allait bien, Basquiat était profondément endormi dans son immense lit. Vers 17 h 30, il reçut un appel et Kelly remonta lui transmettre le message. Cette fois, elle le trouva étendu sur le sol, face contre terre. Elle appela les urgences. L’ambulance emmena Jean-Michel Basquiat, mais il était trop tard. 


Artiste mondialement célèbre et toxicomane de longue date, il s’est éteint à 27 ans. Basquiat rentrait d’un séjour de plusieurs mois à Hawaii. C’est généralement là qu’il allait se sevrer, se contentant d’alcool et de marijuana dans un ranch qu’il louait à Hana sur l’île de Maui. Il était rentré en pleine forme et s’apprêtait à repartir, cette fois en Afrique, avec quelques amis (à qui il offrait le billet d’avion, comme d’habitude).

“Quand je suis à Hawaii, je ne pense pas à la drogue”, avait-il confié à son vieil ami Vincent Gallo. “Faut que je sorte de New York.” 

Il a dit qu’il allait s’acheter une clarinette et qu’on allait refaire de la musique ensemble. Du jazz-rap. Quand je lui ai demandé ce que c’était, j’ai perçu une étincelle dans son regard. Il m’a répondu : ‘Tu comprendras dès qu’on s’y mettra.’” 

Mais le jeudi 11

, Basquiat a replongé. Des amis disent l’avoir vu traîner dans l’East Village, vraisemblablement en quête de drogue. L’après-midi, il piquait du nez. “Il est tombé deux fois de sa chaise alors qu’il peignait”, rapporte un ami passé à son atelier ce jour-là.


“Il n’était pas en grande forme, dit Kelly d’une voix tremblante, mais c’était bon de le voir sortir de chez lui. Il m’a donné une tape sur l’épaule, m’a serré la main et m’a dit : ‘J’en ai vraiment marre.’ Je lui ai dit que moi aussi. Il m’a dit ‘je t’aime’, j’ai répondu ‘je t’aime aussi’.”

Kelly, une beauté androgyne au nez piercé d’un minuscule diamant, se met à pleurer. Elle a rencontré Basquiat un an plus tôt.

“Un jour, il m’a dit que les seuls artistes vraiment importants étaient ceux qui étaient morts jeunes”, confie Kelly Inman.


Basquiat est bouleversé par la mort de WARHOL. “Il a fait une grave dépression, dit Brathwaite. Il pleurait beaucoup et portait un brassard noir. Basquiat devient de plus en plus solitaire. Jusqu’à ne plus quitter son loft de Great Jones Street. De temps en temps, il essaie de se sevrer. “Sa productivité a beaucoup chuté, explique un ami. Contrairement à sa production artistique, sa consommation de drogue ne fait qu’augmenter.


La dernière tentative de sevrage de Basquiat commence en juin, quand il part à Hawaii. Il parle de s’y installer, de devenir cuisinier dans un restaurant et de pêcher du poisson pour vivre. “Je lui ai dit de ne pas revenir, dit Kelly Inman. Je lui ai dit que je lui enverrais du matériel pour peindre. Mais il a fini par s’ennuyer et est rentré à New York.”


Jean-Michel Basquiat n’a pas laissé de testament. Il est enterré en août 1988 au cimetière Greenwood de Brooklyn à l’issue de funérailles familiales en comité restreint.

lundi 27 novembre 2023

L'INTÉRIEUR & L'EXTÉRIEUR CHEZ BASQUIAT

                                   

                       CLÉS DE LECTURE : L’INTÉRIEUR ET L’EXTÉRIEUR CHEZ BASQUIAT 


L’art de Basquiat est originaire de la rue et des graffiti de son époque SAMO© à la fin des années soixante dix. Il s’agissait essentiellement d’inscriptions poétiques et de symboles. Il intervenait donc à l’extérieur en laissant sa trace sur les murs de New York.




Il a ensuite dès 1981 réintégré son art graphique à l’intérieur, dans les galeries et musées tout en restant à l’extérieur : ses premières oeuvres ont été réalisées sur des matériaux de récupération trouvés dans la rue et en conservant son style de grapheur dans ses premières oeuvres qui reproduisaient les murs de la ville et évoquaient l’environnement urbain.



                                                                  CADILLAC MOON 1981


Dès le début on trouve aussi dans son art la représentation de l’intérieur anatomique des corps, inspirée par la lecture assidue du traité d’anatomie de Gray offert par sa mère quand il était petit.

Sa vision procède comme des rayons X en montrant l’intérieur des crânes par exemple :



                                                                         SKULL 1981


Ce va et vient entre extérieur et intérieur parcourt tout l’oeuvre de Basquiat. Le monde extérieur comme ses démons intérieurs ne lui laisse pas de répit et ses addictions lui permettent de se réfugier dans un intérieur plus « supportable ». Par ailleurs sa position extérieure d’artiste noir isolé dans un marché de l’art résolument blanc l’a fortement marginalisé en le conscientisant. Il l’a abondamment traité dans ses oeuvres. Citons Slave Auction 1982, Defacement 1983 et El Gran Espectaculo (The Nile) 1983.

Ce qu’on a appelé le « monologue intérieur » de Basquiat (le fameux « stream of consciousness » de Joyce) est une succession poétique de signifiants, mots, symboles et inscriptions parfois rayées ou effacées qui sonnent comme un morceau de hip-hop ou de rap précoce.

Cet aspect de son oeuvre disparait progressivement dans la dernière période de sa production, après 1985, ses toiles sont moins sophistiquées et son dialogue intérieur devient inaudible. Les superpositions de couches de peinture héritées du « pentimento » classique (technique du « repentir ») disparaissent au profit d’à-plats simples comme dans Glassnose de 1987 :



                                                                     GLASSNOSE 1987

                                                                   

Son art change brutalement après la collaboration avec Andy Warhol qui l’a littéralement « cannibalisé » : en effet les ajouts graphiques de Basquiat sur la centaine de sérigraphies de Warhol en 1984/1985 relèvent plus de graffiti que d’oeuvre picturale, ce qui peut expliquer le succès limité de leur exposition commune. Basquiat qui était depuis trois ans un artiste reconnu semble avoir régressé à ses propres yeux en position d’apprenti de la Factory, le royaume de Warhol, où il est marginalisé, rejeté à l’extérieur.



                                      Collaboration Basquiat/Warhol  ARM & HAMMER 1984


Basquiat s’est ensuite fâché avec Warhol  mais ne s’est pas remis du décès de son ami en 1987 qui l’a aspiré à l’intérieur de lui-même comme un vortex. Il s’est alors fermé définitivement au monde extérieur.

Sa consommation de drogue a augmenté et sa production artistique a chuté. Il est décédé d’une overdose de speedball (mélange d’héroïne et cocaïne) le 12 août 1988.                                                                        

On aurait dit qu’il n’entendait plus le monde extérieur et que désormais il ne relayait plus que ses propres voix intérieures. Il dira d’ailleurs peu de temps avant sa mort en 1988 qu’il avait l’intention de cesser de peindre pour se consacrer à l’écriture. Ses dernières oeuvres comme Riding with Death (1988) relèvent plus comme Glassnose du dessinateur de bande dessinée que de l’immense artiste novateur qu’il avait été de 1981 à 1984.


                                                                                   Stéphane CZYBA, novembre 2023.


Bibliographie : Jean-Michel Basquiat and the Quest for a New Semiotic Machine de John David Ebert.


mercredi 21 juin 2023

LES PLAGIATS EXPOSÉS AU MUSÉE D'ORLANDO (FLORIDE)

 Au musée d’art d’Orlando, le FBI vient de saisir 25 œuvres de Basquiat dont l'authenticité était mise en doute. Elles ornaient les cimaises de l'établissement depuis le 12 février dans le cadre de l'exposition « Heroes & Monsters : Jean-Michel Basquiat, The Venice Collection, Thaddeus Mumford, Jr. »

L’enquête qui a mené le FBI à saisir les 25 tableaux porte sur leur provenance et leur authenticité, jugées plus que douteuses par les autorités et certains experts. Selon le directeur du musée, Aaron De Groft, Basquiat aurait réalisé ces œuvres en 1982 avant de les vendre en 1985 au scénariste de télévision Thad Mumford (1951-2018) pour 5 000 dollars (4 700 euros), en espèces. Elles auraient ensuite sommeillé dans un entrepôt jusqu’en 2012, date à laquelle William Force et Lee Mangin, un chasseur de trésors et son bailleur de fonds, auraient acquis les œuvres aux enchères pour 15 000 dollars (environ 14 200 euros), un prix largement en-dessous de la valeur des tableaux de la main de l’artiste. 

Malgré les arguments invoqués par le musée d’Orlando, plusieurs spécialistes et anciens proches de Basquiat réfutent leur authenticité, à l’instar de John Seed, l’assistant du peintre, ainsi que le célèbre marchand d’art Larry Gagosian, chez qui Basquiat résidait en 1985. D’autres experts ont de sérieux doutes concernant la typographie utilisée dans certaines œuvres, toutes peintes sur des plaques en carton. Sur le carton utilisé dans plusieurs peintures figurait un logo FedEx qui, selon les experts, n’a été créé qu’en 1994, soit six ans après la mort de Basquiat. Tout cela a donc mis la puce à l’oreille à la police fédérale américaine, qui a évoqué des « tentatives de vente des peintures en utilisant une fausse provenance », précise un communiqué.



CREATURE FROM THE BLACK LAGOON




INDUSTRY INSIDER


PREDICAR NO CURA




LOST PORTRAIT OF WARHOL




POBREZA




MUCHO MACHO




KING SAMO




INDUSTRY INSIDER




FAMOUS NEGRO




DEMON POLICE




CROWN FACE 2




MILK




AMERICAN WRITER





RADIOLOGY



dimanche 9 avril 2023

BASQUIAT & LA MUSIQUE

 




La pratique de Basquiat s’apparente beaucoup à celle du Disc Jockey (DJ) et du Master of Ceremony (MC) typiques de ce milieu. En 1982, Basquiat a d’ailleurs été DJ dans les clubs de Manhattan et a même produit un album de rap, Beat Box, en 1983.

Le DJ utilise des disques dont il n’a pas écrit une seule note comme un instrument, déforme totalement leur son original par la technique du « scratching » (apparu à New York en 1981 pour l’album The Adventures of the Wheels of Steel de Grandmaster Flash), et crée ainsi une œuvre entièrement nouvelle. De même, Basquiat recycle une histoire de la peinture occidentale dont il se sent exclu, lui appliquant une distorsion violente et la remixant pour mieux la régénérer. Quant au MC, c’est le chanteur ou rappeur qui tord les mots pour mieux les faire entendre : il suffit de voir les mots biffés par Basquiat sur les toiles pour y voir une démarche similaire.






EXPOSITION MONTRÉAL 2022


BASQUIAT a vécu, peint et respiré avec la musique. Que ce soit le jazz en général et le bebop en particulier, le rock électronique avec son groupe de musique GRAY, ses amis musiciens, petites amies chanteuses comme MADONNA et Debbie HARRY du groupe BLONDIE, il évoluait dans le monde musical new-yorkais fécond des années 80.


Avec Debbie HARRY



Avec MADONNA




AVEC SON GROUPE GRAY


Les musiciens de jazz comme Lester YOUNG, Charlie PARKER ou Dizzie GILLESPIE que vénérait BASQUIAT, étaient des icônes afro-américaines au même titre que les boxeurs comme Muhammad ALI pour BASQUIAT. Ils incarnaient la cause des droits civiques et la place des Noirs dans la société blanche hostile et discriminante. BASQUIAT les représentaient souvent comme des guerriers.
Beaucoup de ces idoles ont eu un destin similaire à celui de BASQUIAT à cause d'une consommation excessive de drogues.















dimanche 1 janvier 2023

LES "HIÉROGLYPHES" DE BASQUIAT

 Henry Dreyfuss a publié en 1972 le recueil des symboles utilisés par les SDF et les gens de la rue (Symbol Sourcebook.) Basquiat en a pris connaissance à partir de 1982 et on voit ensuite apparaître ces signes hiéroglyphiques en 1986 dans son oeuvre. Il est donc intéressant d'en connaître la signification pour rajouter un niveau de lecture à la compréhension de l'art de BASQUIAT. C'est le cas de VICTOR 25448 par exemple.



dimanche 20 novembre 2022

BIOGRAPHIE DE BASQUIAT


Introduction 


                                       Jean-Michel Basquiat (22 décembre 1960 – 12 août  1988.) 

Basquiat s’est d’abord fait connaître comme membre du duo de graffeurs SAMO, aux côtés d’Al Diaz, grâce à ses inscriptions énigmatiques dans le Lower East Side de Manhattan à la fin des années 1970. Au début des années 1980, ses peintures sont exposées dans le monde entier. À 21 ans, Basquiat devient le plus jeune artiste à participer à la Documenta de Kassel. 

L’art de Basquiat fonctionne sur les dichotomies telles que la richesse et la pauvreté, l’intégration et la ségrégation. Il a intégré la critique sociale comme référence à ses expériences dans la communauté noire, ainsi que des attaques contre les discriminations et le racisme dans une société post-coloniale.

Depuis la mort de Basquiat à l’âge de 27 ans d’une overdose en 1988, ses œuvres n’ont cessé de prendre de la valeur. Lors d’une vente aux enchères chez Sotheby’s en mai 2017, Untitled, une peinture de Basquiat datant de 1982 représentant un crâne sur fond noir, s’est vendue 110,5 millions de dollars, devenant ainsi l’une des peintures les plus chères jamais achetées.


La jeunesse de Basquiat : 1960-1977

Jean-Michel Basquiat est né le 22 décembre 1960 à Park Slope, Brooklyn, deuxième des trois enfants de Matilde Basquiat (née Andrades, 1934-2008) et Gérard Basquiat (1930-2013). Ses deux sœurs plus jeunes sont : Lisane (née en 1964) et Jeanine (née en 1967). Son père est né à Port-au-Prince, en Haïti, et sa mère est née à Brooklyn de parents d’origine portoricaine.

Matilde a transmis son amour de l’art à son jeune fils en l’emmenant dans les musées d’art locaux et en l’inscrivant comme membre junior du Brooklyn Museum of Art. Basquiat est un enfant précoce qui apprend à lire et à écrire dès l’âge de quatre ans. Sa mère encourage le talent artistique de son fils, qui essaie souvent de dessiner ses dessins animés préférés. À l’âge de sept ans, en 1968, Basquiat est renversé par une voiture alors qu’il jouait dans la rue. Ses lésions internes nécessitent une splénectomie. Pendant son hospitalisation, sa mère lui apporte un exemplaire de Gray’s Anatomy pour l’occuper. Sa mère est ensuite internée dans un hôpital psychiatrique lorsqu’il a dix ans et séjournera dans de nombreuses institutions. À l’âge de onze ans, Basquiat parlait couramment le français, l’espagnol et l’anglais, et était un lecteur assidu de ces trois langues. Basquiat connaît aussi le Spanglish (mélange d’anglais et d’espagnol) et le calo, un argot mexicano-américain qui comprend de nombreux mots gitans.

Basquiat a du mal à faire face à l’instabilité de sa mère et se rebelle à l’adolescence. À 15 ans, il fugue une première fois après que son père l’a surpris en train de fumer de l’herbe dans sa chambre. Il dormait sur les bancs du Washington Square Park et prenait de l’acide.

En seconde, il s’inscrit à City-As-School, un lycée alternatif de Manhattan, qui accueille de nombreux élèves artistes ayant échoué dans l’enseignement traditionnel. Basquiat sèche les cours, mais il reçoit toujours les encouragements de ses professeurs, et il commence à écrire et à illustrer pour le journal de l’école. Avant d’être reconnu comme peintre, Basquiat a beaucoup tagué, à partir de 1977, son « blaze » (pseudonyme) de SAMO © (Same Old Shit) sur les murs de Greenwich Village, ajoutant des poésies tourmentées et absconses. La première fois que l’hebdomadaire Village Voice parle de Basquiat en 1978, c’est pour ses écrits. Basquiat est donc reconnu comme poète avant de l’être comme peintre. C’est à cette époque qu’il trouve aussi la couronne à trois pointes qui sera une marque récurrente de ses tableaux.

La biographe Phoebe Hoban a déclaré que ses premières expériences sexuelles étaient homosexuelles alors qu’il était mineur à Porto Rico ; il avait été violé oralement par un barbier déguisé en travesti, puis il s’était lié avec un DJ. Le critique d’art René Ricard, qui a contribué à lancer la carrière de Basquiat, a déclaré que Basquiat était touche-à-tout et qu’il avait « fait des passes » sur le Condado lorsqu’il vivait à Porto Rico. Adolescent, Basquiat a raconté à un ami qu’il avait travaillé comme prostitué sur la 42e rue à Manhattan lorsqu’il s’était enfui de chez lui.

Une des petites amies de Basquiat, Suzanne Mallouk, a décrit son intérêt sexuel comme « non monochromatique ». Il ne reposait pas sur une stimulation visuelle, comme une jolie fille. C’était une sexualité multichromatique très riche. Il était attiré par les gens pour toutes sortes de raisons. Ils pouvaient être des garçons, des filles, minces, gros, jolis, moches... Il était attiré par l’intelligence plus que tout et par la douleur. Il était très attiré par les gens qui portaient silencieusement une sorte de douleur intérieure comme lui, et il aimait les gens qui étaient uniques en leur genre, ceux qui avaient une vision unique des choses. » 

Street Art : 1978-1980

                                                             POSTCARDS (1979)                                                                                                                                                                                                                                                                               
En mai 1978, Basquiat et Diaz commencent à taguer les bâtiments du Lower Manhattan. Sous le pseudonyme de SAMO, ils inscrivent des slogans tels que « SAMO© AS AN ALTERNATIVE TO GOD ». En juin 1978, Basquiat est expulsé de City-As-School pour avoir entarté le directeur. Chassé par son père, il travaille pour l’Unique Clothing Warehouse à SoHo tout en continuant les graffitis la nuit.

En 1979, Basquiat apparaît dans l’émission de télévision en direct TV Party, animée par Glenn O’Brien. Basquiat et O’Brien se lient d’amitié. Il a également eu une brève relation avec le contre-ténor allemand Klaus Nomi, qui fréquentait les clubs du centre-ville.

En avril 1979, Basquiat rencontre Michael Holman à la Canal Zone Party et ils fondent le groupe de noise rock Test Pattern, plus tard rebaptisé Gray. Les autres membres de Gray sont Shannon Dawson, Nick Taylor, Wayne Clifford et Vincent Gallo. Le groupe se produit dans des boîtes de nuit comme le Max’s Kansas City, le CBGB, le Hurrah et le Mudd Club.

À cette époque, Basquiat vit dans l’East Village avec son ami Alexis Adler, diplômée en biologie de Barnard. Il copiait souvent des diagrammes de composés chimiques empruntés aux manuels de sciences d’Adler. Il a également réalisé des cartes postales avec son amie Jennifer Stein. 

Alors qu’il vend des cartes postales dans les restaurants de SoHo, Basquiat en vend deux à Warhol. Basquiat et Diaz se séparent et Basquiat inscrit « SAMO IS DEAD » sur les murs des immeubles de SoHo en 1980. Plus tard dans l’année, Basquiat commence à tourner le film indépendant d’O’Brien, Downtown 81 (sorti en 2000.) La bande-son du film comprend des enregistrements de Gray.



L’entrée dans le circuit : 1980-1985

En juin 1980, Basquiat participe à l’ exposition collective The Times Square Show. En février 1981, Basquiat participe à l’exposition New YorkNew Wave, organisée par Diego Cortez au MoMA PS1 de New York. L’artiste italien Sandro Chia recommande le travail de Basquiat au marchand italien Emilio Mazzoli, qui s’empresse d’acheter 10 tableaux pour que Basquiat puisse exposer dans sa galerie de Modène, en Italie, en mai 1981. En décembre 1981, le critique d’art René Ricard publie « The Radiant Child » dans le magazine Artforum, le premier article détaillé sur Basquiat. Pendant cette période, Basquiat peint de nombreuses pièces sur des objets de récupération (portes, frigos, etc.) Basquiat a vendu son premier tableau, Cadillac Moon (1981), à Debbie Harry, du groupe Blondie, pour 200 dollars après qu’ils ont tourné ensemble Downtown 81. Basquiat est également apparu en tant que disc- jockey dans le clip de Blondie Rapture en 1981. À l’époque, Basquiat vivait aux crochets de sa petite amie, Suzanne Mallouk.


                                                          CADILLAC MOON (1981)


En septembre 1981, le marchand d’art Annina Nosei invite Basquiat à rejoindre sa galerie pour qu’il puisse travailler dans le sous-sol. En 1982, Nosei aide Basquiat à s’installer dans un loft qui lui sert également d’atelier au 101 Crosby Street à SoHo. Basquiat présente sa première exposition personnelle américaine à la galerie Annina Nosei en mars 1982.

À l’été 1982, Bruno Bischofberger devient le représentant mondial de Basquiat. En juin 1982, Basquiat devient le plus jeune artiste à participer à la Documenta de Kassel, en Allemagne, où ses œuvres sont exposées aux côtés de Joseph Beuys, Anselm Kiefer, Gerhard Richter, Cy Twombly et Andy Warhol. Bischofberger fait en sorte que Basquiat rencontre Warhol pour un déjeuner le 4 octobre 1982. Warhol s’est souvenu que Basquiat est rentré chez lui et que, deux heures plus tard, il a ramené leur double portrait à peine sec. Le tableau, Dos Cabezas (1982), est à l’origine de leur amitié.

                                                                DOS CABEZAS

En novembre 1982, Basquiat expose à la Fun Gallery dans l’East Village. Parmi les œuvres exposées figurent A Panel of Experts (1982) et Equals Pi (1982). En décembre 1982, Basquiat commence à travailler chez le marchand d’art Larry Gagosian, à Venice, en Californie. Il est accompagné de sa petite amie, la chanteuse Madonna, alors inconnue. Gagosian se souvient : « Tout se passait bien. Jean-Michel faisait des tableaux, je les vendais, et nous nous amusions beaucoup. Mais un jour, Jean-Michel m’a dit : « Ma petite amie vient habiter chez moi. Alors j’ai dit : « Comment est-elle ? Et il m’a dit : « Elle s’appelle Madonna et elle va être énorme. Je n’oublierai jamais qu’il a dit ça. »

Pendant son séjour à Los Angeles, Basquiat peint Hollywood Africans (1983), qui le représente avec les graffeurs Toxic et Rammellzee. Basquiat peint souvent des portraits d’autres graffeurs – et parfois de

                                                             EQUALS PI (1982)
                                                             

collaborateurs – dans des œuvres telles que Portrait of A-One A.K.A. King (1982), Toxic (1984) et ERO (1984). En 1983, Basquiat produit le disque hip-hop « Beat Bop » avec Rammellzee et le rappeur K-Rob et crée la pochette du single.

Paige Powell, rédactrice en chef du magazine Interview, organise une exposition des œuvres de Basquiat dans son appartement en avril 1983. À peu près à la même époque, Basquiat entame une relation avec Powell, qui joue un rôle déterminant dans l’établissement de son amitié avec Warhol. En août 1983, Basquiat s’installe dans un loft appartenant à Warhol au 57 Great Jones Street à NoHo, qui lui sert également de studio.

Au cours de l’été 1983, Basquiat invite Lee Jaffe, un ancien musicien du groupe de Bob Marley, à le rejoindre pour un voyage en Asie et en Europe. À son retour à New York, il est profondément affecté par la mort de Michael Stewart, un artiste noir du centre-ville, tué par la police des transports en commun en septembre 1983. Il peint Defacement (The Death of Michael Stewart) (1983) en réponse à ce lynchage. En mai 1984, Basquiat a sa première exposition à la galerie Mary Boone à SoHo.

En 1984 et 1985 commence la collaboration entre Warhol et Basquiat. Warhol partait de ses sérigraphies ou d’une image reconnaissable, puis Basquiat intervenait librement. À la suite de leur exposition commune, Paintings, à la Tony Shafrazi Gallery, Basquiat se fâche avec Warhol comme il avait été traité de « mascotte de Warhol » par les critiques d’art.

Au milieu des années 80, Basquiat gagnait 1,4 million de dollars par an et recevait des avances de 40 000 dollars de la part de galéristes. Cependant : « Plus Basquiat gagne de l’argent, plus il devient paranoïaque et s’adonne à la drogue », écrit le journaliste Michael Shnayerson. La consommation de cocaïne de Basquiat est devenue si excessive qu’il s’est fait un trou dans la cloison nasale. Il consomme également de l’héroïne.


                                                          DEFACEMENT (1983)


Les icônes


                                                                  CHARLES THE FIRST

Basquiat a fréquemment représenté des personnages noirs de premier plan. Il en souligne l’importance avec la présence de couronnes et d’auréoles pour les distinguer. Pour Basquiat, ces héros et ces saints sont des guerriers, parfois triomphants, les bras levés en signe de victoire.

Basquiat était particulièrement fan de bebop et citait le saxophoniste Charlie Parker comme un héros. Il a souvent fait référence à « Bird » et à d’autres musiciens de jazz dans des tableaux tels que Charles the First (1982) et Horn Players (1983), et King Zulu (1986). Le bebop rapide de Thelonious Monk, de Charlie Parker et de Dizzy Gillespie sous-tend toute l’œuvre de Basquiat. Basquiat écrit et peint sur ses tableaux d’une façon syncopée qui rappelle le scat, cette forme d’improvisation vocale où les onomatopées remplacent les paroles. Les PRKR et CPRKR qui apparaissent dans Now’s the Time (1985) désignent ainsi Parker et Charlie Parker, alias « Yardbird » ou « Bird ». Dans Grain Alcohol (1983), MLSDVS est Miles Davis, DZYGLPSE Dizzy Gilespie, et MX RCH Max Roach. Toute la peinture de Basquiat est une improvisation jazzistique qui ne cesse de parler de jazz : Charles the First (1982); CPRKR (1982), Discography One (1983) ; Discography Two (1983) ; Horn Players (1983) ; Lye (1983), qui fait référence à Nat King Cole; Trumpet (1984); Max Roach (1984); Ellington (1985) ; King Zulu (1986) ; Jazz (1986) ; In the Wings (1986), sur lequel apparaît « Prez » (President), surnom de Lester Young. 



                                                                       BOXER


Le monde de la boxe fascine Basquiat. Saint Joe Louis Surrounded by Snakes (1982) rend hommage à son idole Joe Louis alias le « Bombardier brun », Sugar Ray Robinson (1982) évoque le « plus grand boxeur de l'histoire ».

Basquiat peint lui-même comme un boxeur : ses coups de pinceau sont des directs, des crochets et des uppercuts qui laissent l’amateur d’art KO.



Anatomie

L’une des principales sources utilisées par Basquiat est le livre Gray’s Anatomy, que sa mère lui avait offert alors qu’il était à l’hôpital à l’âge de sept ans. On le constate dans ses représentations de l’anatomie humaine et dans son ajout de textes, comme dans Flesh and Spirit (1982-83). L’historien de l’art Olivier Berggruen voit dans les sérigraphies anatomiques de Basquiat, Anatomy (1982), une affirmation de vulnérabilité, qui « crée une esthétique du corps endommagé, cicatrisé, fragmenté, incomplet ou déchiré, une fois que le tout organique a disparu. Paradoxalement, c’est l’acte même de créer ces représentations qui évoque une valence corporelle positive entre l’artiste et son sentiment de soi ou d’identité. » Les personnages de ses tableaux, comme le dit l’écrivain Stephen Metcalf, « sont montrés de face, avec peu ou pas de profondeur de champ, et les nerfs et les organes sont exposés, comme dans un manuel d’anatomie. On se demande si ces créatures sont mortes et font l’objet d’une dissection clinique, ou si elles sont vivantes et souffrent énormément. »
Basquiat est obsédé par l’anatomie et les fluides corporels, comme dans Pharynx (1985), où sont écrits les mots Blood, Feces, Urine, Mucos, Bile. In Italian (1983) est aussi recouvert de références médicales : Sangre, Corpus, Diagram of the Heart Pumping, Blood, Teeth. Basquiat aime bien représenter l’intérieur des corps, comme dans Versus Medici (1982) ou Grazing – Soup to Nuts, MGM – 1930 (1983) où il ne cache respectivement rien des intestins d’un homme et d’un dinosaure.
En 1982, Basquiat lance un portfolio de sérigraphies intitulé Anatomy, ce qui prouve bien que ce thème ne cesse de traverser son œuvre. En même temps, le titre d’Agony of the Feet (1982) montre bien qu’il se rend compte de sa monomanie anatomique et qu’il la traite avec son habituelle autodérision.



Héritage culturel

L’héritage culturel multiple de Basquiat était l’une de ses nombreuses sources d’inspiration. Il a souvent intégré des mots espagnols dans ses œuvres, comme Untitled (Pollo Frito) (1982) et Sabado por la Noche (1984). La Hara (1981) de Basquiat, portrait menaçant d’un officier de police blanc, combine le terme d’argot latino newyorkais pour désigner la police (« la jara ») et le nom de famille irlandais O’Hara, étant donné les nombreux Irlandais dans la police de New York. Le personnage au chapeau noir qui apparaît dans ses tableaux The Guilt of Gold Teeth (1982) et Despues De Un Puno (1987) est censé représenter Baron Samedi, l’esprit des morts du vaudou haïtien.
Jean-Michel n’oublie pas que son père Gérard est né à Port-au-Prince. Il s’intéresse donc à Haïti et au vaudou, ce dernier étant pour lui une autre façon d’aborder la négritude. Le griot qui apparaît dans Gold Griot (1984) prend dans Grillo (1984), la forme d’Ogun, esprit vaudou de la guerre et du feu. Ses attributs traditionnels sont rappelés par les mots « fer » et « lame ».
Sans que cela ne nous étonne, Basquiat traite le vaudou haïtien avec un mélange de respect et de moquerie, l’abordant à la fois comme la vénérable religion de ses ancêtres, et comme un cliché pour Blancs à base de magie noire, de zombies, et de Baron Samedi, l’esprit vaudou des morts.
Dans To repel Ghosts (1986), il faut ainsi repérer le discret TM (Trade Mark) pour comprendre que chasser les fantômes est (aussi) une entreprise commerciale.
Gris Gris (1986) est tout autant un fétiche africain que la « poupée vaudou » des rituels de conjuration. L’humour noir de Basquiat est présent dans Despues de un Puno (1987), où « après un coup de poing » (titre du tableau), on finit par rencontrer un squelette en haut-de-forme qui n’est autre que Baron Samedi. Dans The Guilt of gold Teeth (1982), ce Baron Samedi est un vampire de film d’horreur ou un Picsou de bande dessinée, cette équation Baron Samedi = baron du capitalisme apparaissant aussi dans Slave Auction (1982). Le tableau le plus représentatif de l’intérêt de Basquiat pour le vaudou haïtien est Exu (1988), où l’esprit apparaît sous les traits typiques d’une divinité cornue. Basquiat n’ignore pas que les missionnaires se sont particulièrement acharnés sur Exu, trop vite assimilé au diable de l’Occident. Sa peinture est donc à la fois une exaltation des valeurs de la religion vaudou, et une critique de l’intolérance.




                                                               SLAVE AUCTION


Basquiat traite aussi de l’histoire afro-américaine, avec Slave Auction (1982), Undiscovered Genius of the Mississippi Delta (1983), Untitled (History of the Black People) (1983) et Jim Crow (1986). Une autre peinture, Irony of Negro Policeman (1981), illustre la façon dont les Afro-Américains ont été contrôlés par une société majoritairement blanche.
Basquiat s’interroge systématiquement dans ses peintures sur la vie des Noirs dans un monde de Blancs, sur l’afro-américanisme, sur la négritude et sur le racisme. Irony of the Negro Policeman (1981) résume bien la position de Basquiat : est-ce l’ironie que le Noir éprouve à se retrouver policier au milieu des Blancs ? Est- ce l’ironie que les Blancs ressentent à l’égard de ce Noir devenu policier ? Est-ce l’ironie que les Noirs ressentent à l’égard de ce Noir qui travaille avec les Blancs ? De même Famous Negro (1981), qui montre un squelette de Noir lynché, est une dénonciation de l’expression raciste selon laquelle un bon Noir serait un Noir mort. Basquiat ne cesse d’interroger le racisme et l’histoire de l’esclavage : Jim Crow (1986) évoque les lois ségrégationnistes du même nom qui n’ont été abolies que dans les années 1960, Mississipi (1982) la région où ces lois ont été appliquées avec une grande sévérité. Potomac (1985) rappelle que le fleuve marquait la limite entre l’Union et les Etats Confédérés, Slave Auction (1982) dénonce les ventes d’esclaves. Toussaint Louverture versus Savonarola (1983) parle de la libération des esclaves haïtiens par le leader noir. Une peinture de 1986 s’appelle tout simplement Black (Noir). Maid from Olympia (1982), qui ne reprend du célèbre tableau de Manet que la figure noire, est à la fois un hommage à l’art occidental et une critique de celui-ci, ce dernier n’étant capable de représenter les Noirs qu’en tant qu’esclaves :,« J’utilise le Noir comme protagoniste principal de toutes mes peintures. Les Noirs ne sont jamais portraiturés d’une manière réaliste, pas même portraiturés dans l’art moderne, et je suis heureux de le faire. » Basquiat exalte donc avec bonheur toutes les vertus des Noirs, grâce à tout un panthéon des héros de la négritude, sportifs ou leaders politiques : Hank Aaron, Jackie Robinson, Jesse Owens, Jersey Joe Walcott, Langston Hughes, Malcom X, Marcus Garvey...
 
Les dessins de Léonard de Vinci et la Joconde exercent un fort attrait sur Basquiat. Cette admiration se traduit soit explicitement comme dans Leonardo da Vinci’s Greatest Hits (1982), Lye (1983) où est représentée une Joconde, Mona Lisa (1983) ou Leonardo da Vinci (1986), soit de manière plus implicite, comme dans Riding with Death (1988), où les diverses couches de peinture cachent une esquisse tirée d’un carnet de l’artiste de la Renaissance. Il pourrait paraître étonnant de voir un artiste comme Basquiat revendiquer l’héritage de Léonard de Vinci. En fait, Basquiat en particulier et tous les artistes new-yorkais des années 80 considèrent que l’art occidental moderne est mort et qu’ils sont donc les artisans d’une Renaissance de l’art contemporain.


Le marché de l’art 


Depuis la mort de Basquiat en 1988, le marché de ses œuvres s’est développé de manière régulière – en accord avec les tendances générales du marché de l’art – avec un pic spectaculaire en 2007 lorsque, au plus fort du boom du marché de l’art, le volume global des enchères pour ses œuvres a dépassé 115 millions de dollars. Jusqu’en 2002, le montant le plus élevé payé pour une œuvre originale de Basquiat était de 3,3 millions de dollars pour Autoportrait (1982), vendu chez Christie’s en 1998. En 2002, l’œuvre Profit I (1982) de Basquiat a été vendue chez Christie’s 5,5 millions de dollars. Entre 2007 et 2012, le prix des œuvres de Basquiat a continué à augmenter régulièrement jusqu’à 16,3 millions de dollars. La vente de Untitled (1981) pour 20,1 millions de dollars en 2012 a accéléré les choses. Rapidement, d’autres œuvres ont dépassé ce record. En mai 2013, Dustheads (1982) s’est vendu pour 48,8 millions de dollars chez Christie’s. En mai 2016, Untitled (1982), représentant un diable, a été vendu chez Christie’s pour 57,3 millions de dollars. En mai 2017, Untitled (1982) de Basquiat, le crâne noir avec des lignes rouges et jaunes, atteint un montant record de 110,5 millions de dollars. En mai 2021, In This Case (1983) est vendu 93,1 millions de dollars chez Christie’s à New York. En décembre 2021, son tableau Donut Revenge (1982) s’est vendu 20,9 millions de dollars chez Christie’s à Hong Kong.



                                                                  IN THIS CASE



Cinéma

 Basquiat a joué dans Downtown 81, un documentaire écrit par Glenn O’Brien et tourné par Edo Bertoglio en 1981, sorti en 2000. En 1996, un film biographique intitulé Basquiat est sorti, réalisé et écrit par Julian Schnabel. L’acteur Jeffrey Wright jouait le rôle de Basquiat et David Bowie celui d’Andy Warhol. Le film documentaire de 2009 Jean-Michel Basquiat : The Radiant Child, réalisé par Tamra Davis, a été présenté en avant-première au festival du film Sundance 2010. En 2017, Sara Driver a réalisé le film documentaire Boom for Real : The Late Teenage Years of Jean-Michel Basquiat, dont la première a eu lieu au Festival international du film de Toronto 2017. En 2018, PBS a diffusé un documentaire de 90 minutes sur Basquiat dans le cadre de la série American Masters, intitulé Basquiat : Rage to Riches.





Musique

La pratique de Basquiat s’apparente beaucoup à celle du Disc Jockey (DJ) et du Master of Ceremony (MC) typiques de ce milieu. En 1982, Basquiat a d’ailleurs été DJ dans les clubs de Manhattan et a même produit un album de rap, Beat Box, en 1983.

Le DJ utilise des disques dont il n’a pas écrit une seule note comme un instrument, déforme totalement leur son original par la technique du « scratching » (apparu à New York en 1981 pour l’album The Adventures of the Wheels of Steel de Grandmaster Flash), et crée ainsi une œuvre entièrement nouvelle. De même, Basquiat recycle une histoire de la peinture occidentale dont il se sent exclu, lui appliquant une distorsion violente et la remixant pour mieux la régénérer. Quant au MC, c’est le chanteur ou rappeur qui tord les mots pour mieux les faire entendre : il suffit de voir les mots biffés par Basquiat sur les toiles pour y voir une démarche similaire.




La fin du voyage : 1986-1988

Basquiat retourne à Los Angeles pour son exposition à la Gagosian Gallery en janvier 1986. En février 1986,, il expose ses dessins à la Fay Gold Gallery à Atlanta, en Géorgie. En été, il expose à la Galerie Thaddaeus Ropac à Salzbourg. À l’automne, il défile pour Rei Kawakubo lors du défilé Comme des Garçons Homme Plus à Paris. En octobre 1986, Basquiat se rend en Côte d’Ivoire pour une exposition de ses œuvres à l’Institut culturel français d’Abidjan, en compagnie de Jennifer Goode. En novembre 1986, il expose à la Kestner-Gesellschaft de Hanovre.

Au cours de leur relation, Goode a commencé à sniffer de l’héroïne avec Basquiat. Fin 1986, ils essaient ensemble une cure de désintoxication, en vain. Au cours des 18 derniers mois de sa vie, Basquiat vit seul et sa consommation continue de drogue semble aussi un moyen de faire face à la mort de son ami Andy Warhol en février 1987.

En 1987, Basquiat expose à la Galerie Daniel Templon à Paris, à la Galerie Akira Ikeda à Tokyo et à la Galerie Tony Shafrazi à New York.

Dans le milieu artistique du New York des années 80, c’est l’hécatombe. Une conséquence inattendue de cette époque est un renouveau contemporain des « danses macabres » et des « vanités ». Le « memento mori » et l’« ars moriendi » reviennent en force. Le SIDA redonne en quelque sorte, tout comme la peste noire au Moyen Âge, de la force à l'art macabre: ainsi, Mapplethorpe, victime du SIDA, photographie plusieurs fois des crânes. Basquiat s’inscrit dans cette veine avec Skull (1981), parfois nommé Head, qui est à la fois un crâne typique des vanités occidentales, un crâne surmodelé caractéristique des arts premiers, et une représentation anatomique avec ses nerfs et ses vaisseaux. Red Skull (1982) présente aussi ce caractère de vanité.




Riding with Death (1988) est une danse macabre dont l’humour n’est pas absent : selon une convention (pas toujours suivie dans les faits) de la statue équestre, le membre avant droit de la « Mort-cheval » signifierait par sa position que Basquiat se considère comme «assassiné par ses ennemis en dehors du champ de bataille »... ce qui n’est pas dénué d’un certain humour noir : dans ses dernières années, Basquiat pensait que son entourage ne le fréquentait que pour lui voler ses tableaux et les revendre à des prix faramineux sur le marché de l’art. Jusqu’à la fin, Basquiat n’a donc cessé de chevaucher avec la Mort...

En janvier 1988, Basquiat se rend à Paris pour son exposition à la galerie Yvon Lambert et à Düsseldorf pour une exposition à la galerie Hans Mayer. Après une exposition à la galerie Vrej Baghoomian à New York en avril 1988, Basquiat se rend à Maui (Hawaïi) en juin 1988. À son retour, Basquiat pense qu’il s’est enfin débarrassé de son addiction. Glenn O’Brien se souvient également que Basquiat l’a appelé pour lui dire qu’il se « sentait vraiment bien ». Malgré tout, Basquiat meurt à l’âge de 27 ans d’une overdose de speedball (cocktail d'héroïne et de cocaïne) à son domicile de Great Jones Street à Manhattan le 12 août 1988. Il est trouvé inconscient dans sa chambre par sa petite amie Kelle Inman et est transporté au Cabrini Medical Center, où il est déclaré mort à son arrivée. Basquiat est enterré au cimetière Green-Wood de Brooklyn.







    BASQUIAT & SON PÈRE Les rapports de Basquiat avec sa famille semblent avoir toujours été conflictuels. Il raconte à ses petites amie...